Déclaration de la SOGC – L’accès à l’avortement médicamenteux au Canada : un problème complexe à résoudre

Une série d’articles récents de quotidiens ont jeté la lumière sur les enjeux relatifs à l’accès à l’avortement médicamenteux qui prévalent d’un bout à l’autre du pays. On y souligne quelques différences importantes entre les provinces et la concentration de l’accès aux cliniques qui fournissent actuellement des services de planification familiale ou d’avortement chirurgical, au détriment des communautés éloignées de petite taille.
 
L’une des grandes priorités des membres de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC), à titre de médecins et bons citoyens, vise à tenter de réduire le nombre de femmes qui connaissent une grossesse non planifiée. Les recherches suggèrent que le nombre de grossesses non planifiées demeure élevé, puisque près de 61 % des Canadiennes ont vécu au moins une grossesse imprévue. Il a été démontré que l’accès gratuit à des méthodes de contraception efficaces réduit le taux d’avortements. La SOGC plaide ardemment en faveur de la sensibilisation et de l’accès à la contraception. Un plan national d’accès à la contraception s’impose pour réduire les obstacles à l’accès et soutenir une gamme de services de planification familiale qui proposent des méthodes de contraception modernes et sécuritaires.  Les coûts personnels, sociaux et de soins de santé d’une seule grossesse imprévue ou qui survient au mauvais moment sont considérables. Un plan exhaustif, mais ciblé aiderait les femmes qui ont besoin d’une méthode de contraception, mais qui ne bénéficient pas d’une couverture en vertu des régimes privés d’assurance ou des programmes d’aide gouvernementaux, et qui n’ont autrement pas les moyens de se payer des méthodes de contraception.
 
Une politique pancanadienne d’accès équitable à la contraception qui repose sur le respect des droits de la personne ouvre la voie à la concrétisation des besoins de santé sexuelle et reproductive et de la saine planification familiale en plus de la promotion de l’égalité des genres et l’habilitation des filles et des femmes à avoir le plein contrôle de leur corps et leur vie, conformément aux importants engagements pris par le Canada.
 
Peu importe la situation, il revient à la personne concernée de décider de poursuivre ou non une grossesse.  De toute évidence, l’accès à des soins ou au choix n’est ni facile ni équitable lorsqu’il faut agir face à un problème et que la décision dépend des ressources personnelles et de l’endroit du pays où l’on vit.
 
La grossesse et l’interruption de grossesse sont des décisions complexes qu’il ne faut pas prendre à la légère. L’avortement est une option nécessaire; la seule question qui se pose est à savoir si elle sera accessible et sécuritaire ou réservée aux personnes qui en ont les moyens. L’objectif est de veiller à ce que toutes les Canadiennes obtiennent le même accès à des fournisseurs de soins de santé bien formés et disposés à offrir un choix d’interruption chirurgicale ou médicamenteuse, dans un réseau de soins sécuritaire, près de chez elle. La SOGC, le CMFC et l’Association des pharmaciens du Canada ont collaboré pour créer une formation détaillée en ligne destinée aux fournisseurs de soins de santé. Une fois la formation terminée, le clinicien est invité à se joindre à un réseau de fournisseurs pour être en mesure de faire des consultations, de partager des expériences cliniques et de s’informer des progrès en matière de recherche. À ce jour, 2 904 fournisseurs ont suivi la formation.  La SOGC et le CMFC ont offert des ateliers qui ont connu de très bons taux de participation lors de leurs congrès annuels, lesquels étaient ouverts à tous les fournisseurs de soins de santé autorisés au Canada.
 
Les fournisseurs qui ont suivi le cours sont issus de nombreuses régions du pays; il semble toutefois que le cours soit surtout utilisé dans les cliniques qui fournissent des soins de santé reproductive. L’arrivée de Mifegymiso sur le marché canadien s’est accompagnée de nombreuses restrictions et, initialement, d’une formation obligatoire. Bien que ce soit possiblement plus normal à l’avenir, Mifegymiso a été le premier médicament soumis à de telles exigences, ce qui a jeté une ombre de complexité et de risques. Les restrictions ont depuis été assouplies étant donné que l’expérience a montré l’innocuité du médicament. Il n’est pas exagéré de suggérer que ce bilan d’innocuité pourrait, en partie, découler de l’introduction prudente du médicament avec un petit groupe de médecins (médecins de famille et gynécologues) et d’infirmières praticiennes qui ont acquis l’expérience nécessaire, laquelle doit maintenant être largement partagée.
 
Le changement tarde à s’effectuer. Bien que l’éducation et la formation soient nécessaires, ces mesures ne suffisent pas pour apporter un changement majeur. Il est essentiel de comprendre les autres et de collaborer avec eux pour influencer l’environnement externe de sorte qu’une nouvelle pratique soit soutenue, et pour contribuer au développement d’une masse critique de fournisseurs qui pourront offrir une orientation à ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances. La prestation de soins sécuritaires nécessite une équipe. Bien que les femmes vivant dans des communautés petites ou grandes, urbaines ou éloignées, présentent le même besoin d’accéder à des options d'interruption de grossesse, elles peuvent ressentir dans les petites communautés une opposition fervente à l’avortement, laquelle influence leur volonté à chercher des soins, et la volonté des praticiens à les prodiguer. Nous reconnaissons cette réalité.
 
Mais si nous nous concentrons uniquement sur les compétences cliniques, les progrès se feront lents. Nous devons aborder la situation sous tous ses angles, sur les plans de la communauté, de l’établissement et des systèmes de soins de santé, afin d’accélérer la mise en œuvre. Les sociétés de professionnels jouent un rôle crucial dans l’offre de formation médicale continue, mais le gouvernement provincial dispose effectivement d’une occasion importante pour améliorer l’accès, comme il l’a fait pour certaines interventions comme celles de la hanche et du genou.
 
Le Canada a longtemps été avant-gardiste et a veillé à ce que sa population profite de libertés, occasions et égalités que tous recherchent. Cependant, nous croyons que nous pouvons faire mieux dans le cas présent; nous devons faire ce qu’il faut pour fournir de l’information sur la santé sexuelle, offrir l’accès gratuit à la contraception et l’accès à toutes les options de grossesse, en éliminant les barrières qui s’élèvent entre les femmes et l’accès à l’interruption médicale des grossesses non désirées.