Déclaration du comité des maladies infectieuses de la SOGC sur la syphilis

La syphilis, causée par la bactérie Treponema pallidum, est une maladie transmissible sexuellement, principalement au moyen de contacts sexuels oraux, anaux ou vaginaux. Cette maladie se manifeste généralement par des ulcères indolores (chancres), puis par des symptômes d’ordre systémique au deuxième stade. Sans traitement, la syphilis passe en période de latence pour une durée variable avant d’atteindre le stade tertiaire, dont l’atteinte se caractérise par l’endroit où se concentrent les spirochètes dans les tissus d’une personne en particulier. Il est important de remarquer que bien des patientes et patients ne manifestent pas les signes et symptômes classiques de la syphilis primaire ou secondaire et qu’on la détecte dans la plupart des cas chez des personnes asymptomatiques ou dans les stades de latence de la maladie. 

Le taux d’infections à la syphilis a connu une augmentation spectaculaire partout au pays, au point où plusieurs provinces connaissent actuellement une épidémie de syphilis.  En 2018, la Colombie-Britannique a enregistré 925 cas de syphilis infectieuse, ce qui représente une augmentation de 33 % par rapport à 2017.  Au Manitoba, le dénombrement final des cas pour 2018 est estimé entre 750 et 1 000. Une tendance épidémique semblable a aussi été observée dans l’Est du pays. Par exemple, l’Ontario rapporte une augmentation de plus de 20 % du nombre de cas de syphilis en 2018 par rapport à 2017. 

La proportion des cas chez les femmes en âge de procréer est particulièrement préoccupante pour les fournisseurs de soins prénataux. En plus d’une augmentation de 50 % des cas de syphilis infectieuse chez les femmes de 20 à 39 ans, on observe une recrudescence de la syphilis congénitale partout au pays. Cette année, on a signalé deux cas de syphilis congénitale en Colombie-Britannique, une première depuis 2013. L’Alberta a aussi signalé 10 cas en 2018.  Depuis le 1er janvier 2018, on a rapporté 10 cas confirmés et 9 cas probables de syphilis congénitale au Manitoba. Au Québec, 7 cas ont été signalés entre 2016 et 2018. 

Les femmes enceintes qui contractent la syphilis (avant ou pendant la grossesse) peuvent transmettre la maladie au fœtus. Bien que le taux de transmission verticale soit le plus élevé au cours des stades primaire et secondaire de la syphilis, la transmission peut survenir à tout moment de la grossesse, ce qui entraîne la syphilis congénitale. Dans plus du tiers des cas, la syphilis congénitale peut provoquer un avortement spontané, une mortinaissance, un retard de croissance intra-utérin, une anasarque fœto-placentaire, des anomalies fœtales ou la mort néonatale.  Qui plus est, la syphilis congénitale non détectée et non traitée peut avoir des conséquences importantes sur la santé et le développement d’un enfant. 

Il est possible de prévenir la syphilis congénitale,  notamment au moyen d’un dépistage adéquat et d’une antibiothérapie pendant la grossesse.  Le dépistage systématique des infections transmises sexuellement, y compris la syphilis, fait partie des soins standards lors de la première consultation de suivi prénatal au Canada; il convient toutefois d’envisager de renforcer le dépistage pendant la grossesse en raison de la situation épidémiologique actuelle. Il y a lieu d’envisager d'accroitre le dépistage en cas d’éclosion déclarée dans votre province. Veuillez vous référer au service de santé publique de votre province pour vérifier si une éclosion a été déclarée. 

Malheureusement, les facteurs de risque considérés seuls ont souvent une sensibilité trop faible pour prédire le risque de contracter une ITS et peuvent écarter des personnes dont les facteurs de risque sont subtils ou inconnus. Par conséquent, la situation épidémiologique locale peut dicter le besoin d’instaurer un dépistage renforcé universel pendant la grossesse (p. ex. à trois reprises chez toutes les femmes enceintes). 

Une approche multidisciplinaire pour la prévention et la prise en charge de la syphilis pendant la grossesse est nécessaire pour aider à contrôler l’épidémie. La participation des services de santé publique locaux, en particulier chez les patientes qui ont de la difficulté à accéder à des soins, est importante pour assurer un processus d’identification, de dépistage et de traitement rigoureux auprès des partenaires. Il est justifié de communiquer avec les services de pédiatrie et d’infectiologie pédiatrique aux fins d’évaluation et de planification de la prise en charge néonatale chez tous les nourrissons dont la mère était atteinte de syphilis pendant la grossesse. Vous trouverez des directives sur la prise en charge néonatale en cas d’infection syphilitique pendant la grossesse ici.

Il est temps de renforcer les mesures pour prévenir d’autres cas de syphilis congénitale. La détection et le traitement précoces de la syphilis pendant la grossesse sont essentiels à la prévention de la syphilis congénitale. Il est primordial de sensibiliser collègues, stagiaires (fellows), étudiants, patientes et patients à l’importance du dépistage de la syphilis et des autres ITS.